Fissuration du béton
Le béton seul, comme nous avons pu l’évoquer dans la fiche sur la résistance du béton, est un matériau très cassant lorsque soumis à un effort de traction. Cette fragilité du béton s’exprime par l’apparition quasi obligatoire de fissures dans la vie de l’ouvrage dès qu’il sera soumis à la plus minime des contraintes de traction. Lors d’une conférence à laquelle j’assistais sur les structures en béton, le conférencier, pour débuter sa conférence a déclaré : « Si vous trouvez un moyen de faire du béton armé sans fissures, venez m’en parler et l’on va se faire un paquet d’argent », car il est impossible, mis à part le béton précontraint, de faire du béton armé qui ne se fissurera jamais. Par contre, il est tout à fait possible de limiter la fissuration en connaissant bien les causes de celle-ci et en cas de gros problèmes des moyens existent pour traiter ce problème après coup.
Les causes de la fissuration du béton
De nombreuses réactions physico-chimiques sont la cause de fissuration dans le béton, en voici la liste :
- Le ressuage : lors de son séchage, le béton se tasse et une pellicule d’eau vient se former à sa surface. Les gros granulats ou les armatures peuvent faire office d’obstacle à ce tassement et ainsi fissurer le béton avant sa prise complète. Ce phénomène est très léger et ne causera pas de désordres dans vos constructions.
- Le retrait : il en existe de différents types et à divers stades de la vie du béton, mais tous mènent au même résultat, une réduction du volume du béton par réaction chimique. Ce phénomène, s’il est empêché par frottement, mènera inévitablement à des fissures. Pour limiter le retrait endogène un brumissement régulier du béton durant le séchage est envisageable. Un béton composé avec beaucoup de ciment aura plus tendance à se retirer, faites donc attention à vos formulations.
- Les conditions de mise en œuvre : un béton contenant une quantité d’eau trop importante perdra énormément en résistance et donc sera sujet à une fissuration plus importante.
- Les conditions climatiques sont toutes aussi importantes, une température trop élevée entrainera un séchage trop rapide du béton et une forte dessiccation donc des fissures. Si la température est trop basse, le béton risque alors de geler et de devenir beaucoup plus cassant, d’où l’apparition de fissures dans les bétons soumis à des cycles gel/dégel. Si vous habitez en zone où les sels de déverglaçage sont courants et où il gèle beaucoup, pensez à utiliser des adjuvants entraineur d’air qui empêcheront une fissuration due au gel/dégel. Et surtout, surtout ne rajoutez pas d'eau à vos formulations où vous serez surs que les fissures apparaitront sous peu !
- La vibration : si votre béton est trop vibré, le phénomène de ressuage se trouve accentué et ainsi la fissuration plus importante. S’il l’est trop peu alors de nombreuses bulles d’air sont présentes facilitant ainsi la fissuration interne ou externe.
Pour aller plus loin, voir l'article sur les pathologies du béton.
Le saviez-vous ?
Une vibration adaptée est la clé du succès, pensez donc à louer une aiguille vibrante. Mais attention, il ne faut pas la laisser tremper des heures dans votre coffrage, une dizaine de seconde sur toute la hauteur et tous les 30 cm sont bien suffisants.
- La carbonatation : le béton sain a classiquement un pH basique de 13, mais lorsqu’il réagit avec le CO2 ce pH baisse au fur et à mesure jusqu’à 9 et lorsque la zone carbonatée atteint les armatures celles-ci se corrodent et prennent donc en volume, provoquant ainsi un éclatement local du béton créant de grosses fissures et mettant à nu les armatures. Ce phénomène peut être limité en recouvrant votre béton d’un enduit ce qui réduira sa zone de contact avec le CO2.
- Les efforts de traction : Comme évoqué plus haut le béton ne supporte pas la traction, le moindre effort de ce type mènera donc à la formation de fissures. Ces fissures sont observables au milieu des poutres sur la partie inférieure et sont verticales.
La petite histoire
Le conducteur de travaux a commandé un BPE avec 150l/m³ d’eau pour son chantier. Le dernier camion-toupie se présente à 15h45 le vendredi et là Monsieur Page, le chef de chantier qui a envie de partir tôt, trouve que le camion se vide trop doucement car le béton est trop sec. Il prend le tuyau et rajoute 20/30l d’eau, parfait, le béton se déverse bien et remplit parfaitement le coffrage. Monsieur Page part en week-end tôt et est content.
8 mois plus tard la dalle coulée dans le bâtiment est pleine de lézardes et risque, à long terme de s’effondrer, la garantie décennale est alors mise sur la table par le client. Après quelques recherches on trouve que Monsieur Page, pour aller plus vite, a ajouté de l’eau dans les BPE, c’est le drame, il doit alors payer toutes les réfections de sa poche ce qui le ruine !
Morale de l'histoire : Ne rajoutez jamais d’eau dans vos bétons, les formulations sont faites pour résister telles quelles !
Méthodes de diagnostic
La première chose à savoir est que les fissures ne sont que très rarement préjudiciables à la tenue d’un ouvrage. La contrainte à la traction ayant été négligée lors du calcul, le béton fissuré n’a donc pas été compté lors du dimensionnement et les fissures ont donc été très largement prises en compte à cette étape.
Les problèmes que peuvent poser les fissures se situent plus au niveau de la corrosion des armatures. Les fissures sont les chemins idéaux pour les chlorures et autres agents agressifs pour aller attaquer les aciers, provoquer un gonflement et donc un éclatement de l’enrobage du béton qui est très peu esthétique et qui peut réduire considérablement la capacité de l’ouvrage.
Une fissure est à considérer comme anormale dès qu’elle dépasse 0,3 mm de largeur, elle témoigne alors d’un mauvais état de santé du béton qu’il faudra soigner tout en envisageant un suivi de l’évolution de la fissure.
Pour comprendre l’influence des fissures dans l’ouvrage et en effectuer le diagnostic, il existe deux grandes techniques :
- Le scléromètre : la hauteur de rebond d’une bille sur la surface du béton est mesurée, cette hauteur est proportionnelle à la résistance de surface de votre béton et vous pourrez ainsi estimer si l’élément est en bon ou mauvais état. Attention à bien préparer la surface étudiée et à prendre de nombreuses mesures à moyenner.
- Les méthodes destructives consistant au prélèvement de carottes de béton dans l’ouvrage à étudier qui sont acheminées en laboratoire pour subir une batterie de tests.
Les traitements
Les fissures étant inévitables elles sont donc traitées a posteriori par diverses méthodes de cures ayant pour but de rétablir une liaison et une étanchéité pour éviter la corrosion des armatures par la suite :
- L’injection : une « colle » (classiquement du coulis de ciment) est injectée dans la fissure et vient la boucher. Une liaison est ainsi créée et l’étanchéité est conservée.
- Le calfeutrement : la fissure est colmatée par des matières non solides offrant ainsi une étanchéité tout en laissant la fissure libre d’évoluer.
- Le pontage : pose d’éléments au-dessus des fissures pour les protéger du ruissellement ou de l’infiltration d’eau.
- La protection superficielle : recouvrement superficiel des fissures par du mortier, attention, car les fissures réapparaissent très rapidement avec cette technique.
- Le traitement général : pose de plusieurs revêtements étanches, imperméabilisants et esthétiques pour cacher les fissures.
- La cure des pathologies menant à ces phénomènes de fissuration.
Certaines méthodes préventives existent tout de même et permettent de réduire l’apparition des fissures dans le temps, parmi celles-ci on trouve :
- L’installation de joint de dilatation permettant au béton de se dilater dans le temps sans fissurer. Ces joints doivent recouper les dalles béton en surfaces ne dépassant pas les 30/35 m².
- Le bon dimensionnement d’armatures de « couture » permet de minimiser la fissuration dans la vie l’ouvrage.
- L’utilisation des nouveaux bétons autoréparant contenant des bactéries qui reboucheront les fissures en formant du plâtre dans celles-ci.
Rappelez-vous donc que peu importe ce que vous ferez, votre béton présentera des fissures à long terme. Mais il ne faut pas s’inquiéter, ça ne signifie pas que votre maison va vous tomber sur la tête pour autant. Il faudra juste faire attention à l’évolution de ces fissures dans le temps et si elles vous inquiètent alors faites appel à des experts du diagnostic des structures qui vous diront vers qui vous tourner pour remédier aux problèmes, s’il y en a.
Issu de l'ESTP en spécialité bâtiment, Brice est passionné par le domaine de la construction et plus particulièrement par l'architecture et la beauté des bâtiments.